Merope et Tom Jedusor

Par la fenêtre ouverte, j'entendais toute une panoplie de chants d'oiseau différents. Étant enfant, j'avais occupé la plupart de mes avant-midi à apprendre et à reconnaître les gazouillis des oiseaux. Je m'appuyais sur le rebord de la fenêtre et j'attendais de le voir passer. Comme il ne passait jamais devant ma maison à la même heure, je patientais en m'octroyant à l'ornithologie. Quelques fois, je le voyais passer en cheval, ses cheveux sombres qui tombaient sur ses épaules dansant derrière lui, au rythme du vent. Mais lorsqu'il passait après le déjeuner, je ne pouvais le voir puisque c'était toujours en après-midi que mon père se souvenait de mon existence et qu'il me faisait travailler d'arrache-pied.
Mais aujourd'hui, ces chants étaient tous aussi beaux les uns que les autres et aucun ne différait d'un autre. Pourquoi? Parce que j'étais heureuse, voilà pourquoi, et que mon bonheur ne se préoccupait pas de choses aussi insignifiantes que le propriétaire d'un gazouillis. J'avais plusieurs raisons d'être heureuse en ce moment. J'avais une magnifique maison, perdue dans la forêt où personne ne pouvait venir évincer ma joie, un mari d'une beauté à couper le souffle, une famille emprisonnée à Azkaban qui ne me poserait plus de problème et, d'abord et avant tout, j'avais une formidable nouvelle à apprendre à mon amoureux.
Sur le feu, il y avait un chaudron, un grand et profond chaudron. D'épaisses vapeurs tournoyaient en spirales au-dessus du liquide nacré qui bouillonnait silencieusement dans la marmite, laissant une odeur de gingembre et d'encens dans la pièce. J'approchai du récipient pour en remuer la texture et en me voyant dans le reflet de la spatule, je remarquai que mes cheveux semblaient beaucoup moins ternes qu'ils l'avaient déjà été et que le châtain paraissait beaucoup plus vif.
En entendant un galop se rapprocher, j'en lâchai ma spatule et je courai à l'extérieur de la petite demeure. Sur un magnifique cheval gris, il y avait un homme au large sourire. Cet homme, bien qu'ayant la trentaine passée, paraissait beaucoup plus jeune que moi, sa petite femme de 20 ans. Ses cheveux sombres ondulaient autour de sa mâchoire carrée. Ses yeux noirs étaient emplis de bonheur et son torse nu était soulevé par sa respiration rapide. Il sauta en bas de sa selle et ne fit que quelques enjambées de ses longues jambes pour m'atteindre. Il me prit dans ses bras et m'étreignit amoureusement en enfouissant sa tête dans mes cheveux. Alors, il releva doucement ma tête à l'aide de ses longs doigts et posa ses douces lèvres sur les miennes. Ces lèvres n'étaient pas brusques, elles embrassèrent longuement et tendrement ma bouche tandis qu'avec une main, il fourrageait dans mes cheveux et qu'avec l'autre, il tenait mon bassin pour restreindre au minimum l'espace entre nous deux. Quant à moi, mes mains étaient scotchées à sa nuque chaude alors que je savourais ce baiser et que j'oubliais le reste du monde. Lorsque sa bouche se détacha de la mienne pour nous permettre de respirer enfin librement, il colla son front au mien et plongea ses adorables yeux dans les miens.

- Merope, marmotta-t-il simplement.

- Tom, ne pus-je m'empêcher de répondre.

- Comme tu es belle lorsque le soleil est ainsi à son zénith, murmura-t-il de sa voix grave.

- C'est simplement parce que je suis heureuse, Mr. Jedusor, avouai-je.

- Avec ce sourire, Mrs. Jedusor, vous pourriez rendre n'importe qu'elle homme heureux.

Et avant que j'aie pu répliquer quoi que se soit, il reposa ses lèvres sur les miennes. Ce baiser fut de courte durée mais il fut tout autant savoureux que le dernier. Je collai ensuite ma tête sur son torse et je sentis avec satisfaction, une douce odeur familière de gingembre.

- Tu m'as manquée, confessai-je. C'est déroutant de se réveiller dans un lit seul après avoir passé une merveilleuse nuit.

- Je ne suis pas partie sans regret, mon amour, ne t'inquiètes pas. Je suis parti pour aller cueillir des myrtilles pour que tu puisses faire ta délicieuse tarte et bien sûr, je n'ai pu résister à la tentation d'arrêter te cueillir ces fleurs dans un champ.

Il joignit le geste à la parole et sortit de sa veste un petit bouquet de fleurs mauves toutes plus ravissantes les unes que les autres.

- Merci, elles sont merveilleuses, remerciai-je. En parlant de cuisine, j'ai fait de la soupe au pois, tu en veux? Tu as sans doute besoin de te remplir le ventre après ta longue chevauchée.

- Tu as raison, viens.

Tom me prit la main et me conduisit dans la petite cuisine que je venais de quitter. Il se tira une chaise et s'installa à la petite table en bois qu'il avait bâtie tandis que moi, je lui mis de la soupe dans un bol, mais avant de lui donner, il fallait que j'y rajoute quelque chose. Cette étape de la journée me remplissait constamment de nostalgie et je m'obstinais à me dire qu'il en avait besoin. Dans ma tête, j'avais une première voix qui me disait que ce n'était plus nécessaire, qu'il était amoureux pour de vrai et que je le saurais si je scrutais davantage ses yeux. L'autre voix, me disait de ne pas arrêter, de continuer et que cette minuscule nostalgie ne pèserait rien quant au bonheur que j'allais vivre en compagnie de Tom le reste de ma vie. Elle me soufflait que si je stoppais tout, je me réveillerais un jour seule dans mon lit et que, cette fois, il ne réapparaîtrait pas.
Alors, comme tous les jours, c'est cette dernière voix que j'écoutai et je rajoutai une cuillérée d'Amortentia. Je lui portai la soupe et lui gratifiai d'un sourire rassurant avant de m'asseoir à côté de lui.
La nostalgie me quitta aussitôt lorsque je repensai à la nouvelle que je devais lui apprendre.

- Tom, chéri, j'ai une merveilleuse nouvelle à t'apprendre! cancanai-je.

Il releva son regard de sa soupe et se retourna vers moi, une réelle curiosité dans les yeux.

- Qu'est-ce qui pourrait accroître mon allégresse? demanda-t-il, avide de savoir.

- J'ai juste besoin de te prévenir, dis-je toute joyeuse, que cette nouveauté t'apportera du nouveau travail. Il va falloir que tu rajoutes une chambre à la maison, mon amour, rajoutai-je en voyant sa mine déroutée.

- Qui, diable, vient s'installer chez nous? me questionna-t-il avec tension, ce qui me fit rire.

- Non, bêta! rigolai-je. Je suis enceinte, nous allons avoir un bébé!

La nouvelle le fit lâcher sa cuiller dans sa soupe qui éclaboussa sur son torse toujours nu, mais il ne s'en préoccupa pas et se leva d'un bond pour m'étreindre vivement.

- C'est ça, la petite rondeur sur ton ventre! Je croyais que c'était parce que tu mangeais un peu trop de pain, affirma-t-il en se joignant à mon rire et en embrassant à plusieurs reprises le sommet de ma tête.

Ensuite, il s'accroupit pour être au niveau de mon ventre et, avec une de ses mains, le caressa.

- Je suis tellement heureux, Merope! Si tu savais! Ce petit Jedusor est une bénédiction!

Pendant une heure, nous bavassâmes de cet enfant qui allait naître vers la fin du mois de décembre et pendant une heure je réfléchis. Je savais que ce petit allait obtenir une part de moi que Tom ne connaissait pas encore. Une part de moi qui avait fait honneur dans ma famille, puisqu'elle remontait de Salazar Serpentard, lui-même, raison pour laquelle j'avais ce pendentif si précieux autour du coup. Je savais aussi que cet enfant n'allait pas être ce que ma famille vénérait, c'est-à-dire un sang-pure. Mais qu'est-ce que ça pouvait me faire puisqu'il allait être l'enfant d'un père qui l'aimait et qui m'aimait, moi, sa femme. Oui, il m'aimait! Rien qu'en voyant sa réaction lorsqu'il avait appris la nouvelle, je pu en conclure qu'il m'aimait.
Je crois qu c'est à ce moment que la deuxième voix dans ma tête mourut. L'amour pour Tom me rendit aveugle et j'étais convaincue qu'il l'était tout autant que moi. C'est à partir de ce jour, que je pris la décision que ce chaudron d'Amortentia que je venais de faire, allait être le dernier de mes confections. Il était si facile d'apercevoir l'amour dans ses yeux que je sus que si je rapetissais sa dose quotidienne de jour en jour, jusqu'à ce qu'il n'y en aille plus, Tom resterait amoureux de moi. C'en était sûr!


Alors que Merope Gaunt Jedusor s'apprête à prendre la pire décision de sa vie, déjà, dans son fort intérieur, vit un être qui, privé d'amour dès sa naissance, sera un des meilleurs sorciers, pour ses nombreux talents et pour sa réussite scolaire, et un des pires mages noirs jamais connu ; Lord Voldemort.